Vol. 3 No. 9 (2023)
Examens d’une technologie de la santé

Points de vue et expériences relatifs aux effets de l’engorgement des urgences : examen qualitatif rapide

Publication : September 29, 2023

Messages clés

  • Cet examen emploie une approche d’analyse selon le meilleur ajustement rapide (rapid best-fit) pour faire la synthèse de neuf études se penchant sur les perceptions et la compréhension qu’ont les personnes qui interagissent avec les services d’urgence relativement aux répercussions de l’engorgement des urgences, du blocage d’accès et de l’occupation par des patients en attente d’un lit (boarding) sur la qualité des soins, la sécurité des patients et le bienêtre des professionnels de la santé en poste et en formation dans les services d’urgence. Aucune des études retenues n’a été menée au Canada.
  • Les études retenues indiquent que les personnes qui interagissent avec les services d’urgence voient ces services comme un lieu qui convient à l’offre de traitement de courte durée à des personnes ayant besoin de soins critiques ou urgents, mais pas à l’offre de soins prolongés. Les participants relatent que l’engorgement des urgences, l’occupation par des patients en attente d’un lit et le blocage d’accès font des urgences un environnement non sécuritaire où le risque d’effets néfastes évitables sur les patients est accru par l’épuisement accéléré de l’équipement, de l’espace et des ressources humaines. Les répondants observent que cette situation donne lieu à des soins retardés, omis ou inappropriés, ce qui entraine ou pourrait entrainer des effets néfastes sur le plan physique, une atteinte aux droits humains et à la dignité, l’exposition à une souffrance secondaire, une réduction de la satisfaction ainsi qu’une aggravation de l’état émotionnel et psychologique.
  • Les participants font savoir que l’engorgement des urgences, le blocage d’accès et l’occupation des urgences par les patients en attente d’un lit ont, en général, des effets négatifs sur les professionnels de la santé en poste et en formation travaillant aux urgences. Certains employés des urgences font savoir que ces phénomènes donnent lieu à une exposition accrue à la violence et à des effets néfastes physiques, à une détresse émotionnelle et morale, à des signes d’épuisement professionnel et à des occasions d’apprentissage manquées pour les professionnels de la santé en formation. Certains employés font état d’une camaraderie et d’un esprit de collaboration qui s’instaurent par nécessité comme mécanisme d’adaptation pour faire face à l’adversité dans le contexte de l’engorgement des urgences. Malgré les difficultés qu’ils vivent dans leur milieu de pratique, certains employés d’expérience voient la situation comme une occasion d’utiliser et d’améliorer leurs connaissances et leurs compétences.
  • À la lumière de ces résultats, les décideurs qui cherchent à s’attaquer aux effets néfastes de l’engorgement des urgences, du blocage d’accès et de l’occupation des urgences dans l’attente de lits sur la qualité des soins et la sécurité des patients pourraient envisager de faciliter l’intégration de soins préventifs systématiques aux processus des urgences; d’améliorer la communication au sein des urgences; d’optimiser l’équipement et l’espace disponibles; de transmettre de l’information aux patients avant et pendant leur séjour afin de gérer leurs attentes; et d’améliorer l’accès du personnel à de la formation et à des ressources pour mieux répondre aux besoins des patients qui font souvent des séjours prolongés aux urgences et ont besoin de soins spécialisés allant au-delà ce que le personnel des urgences est formé pour offrir. Les décideurs pourraient accorder la priorité aux interventions qui allègent, plutôt que d’alourdir, la charge de travail du personnel. De plus, ils pourraient évaluer les conditions de travail aux urgences dans une optique de promotion du bienêtre et de la rétention du personnel. En s’appuyant sur les constatations de cet examen, les décideurs pourraient par exemple envisager des façons d’inciter les employés d’expérience à conserver leurs postes, de bonifier les occasions d’apprentissage pour les professionnels de la santé en formation et de favoriser la collaboration interprofessionnelle. Ils pourraient en outre envisager de se pencher sur les facteurs systémiques contribuant à l’engorgement et au blocage d’accès ainsi que sur les difficultés pour recruter et conserver en poste des fournisseurs de soins dans leur province ou territoire.
  • Les décideurs pourraient aussi examiner en profondeur comment les interventions proposées pourraient atténuer ou exacerber les questions d’éthique et d’équité que soulève le problème de l’engorgement des urgences, entre autres l’allocation juste et équitable de ressources limitées; les effets néfastes et les avantages perdus pour les patients, les fournisseurs de soins et les autres employés de l’hôpital; et les iniquités dans l’accès aux urgences et l’expérience des patients, notamment les effets sur la dignité des patients, les relations avec les fournisseurs de soins et la confiance à l’égard des services d’urgence ou des systèmes de santé. Ils pourraient envisager l’offre de soutien ciblé aux groupes exposés à un risque disproportionné d’effets néfastes dans le contexte de l’engorgement des urgences, par exemple les personnes ayant besoin d’un séjour prolongé, celles ayant une capacité limité de défendre leurs intérêts ou d’obtenir une attention et des soins appropriés, celles qui sont incapables de réaliser les activités de la vie quotidienne ou celles qui connaissent une urgence de santé mentale. Les décideurs pourraient également tenir compte du fait que les études retenues ne contiennent que peu ou pas d’information sur les points de vue de personnes appartenant à un groupe en quête d’équité ayant des expériences antérieures d’effets néfastes ou de difficultés à faire entendre leurs voix dans les services d’urgence, entre autres les groupes suivants : personnes autochtones, noires et de couleur, personnes ayant un handicap, personnes en situation d’itinérance, personnes se heurtant à une barrière linguistique et n’ayant pas accès à des services d’interprétation professionnelle, et membres de la communauté 2SLGBTQ+. Il faut davantage de recherches pour comprendre comment ces groupes ainsi que d’autres groupes en quête d’équité vivent l’engorgement des urgences, le blocage d’accès et l’occupation par des patients en attente d’un lit ainsi que l’effet de ces problèmes sur la qualité des soins et la sécurité.